Philippe Dagen, Le Monde

Martin Bruneau, trente-cinq ans, québécois d'origine, expose pour la première fois dans une galerie parisienne. Au centre de la toile, environnée d'empreintes grossièrement géométriques ou partiellement recouverte de lignes, est une figure humaine, une jambe et les bras repliés, une figure qui semble creusée dans la surface de couleur. Le regard, s'il s'attarde, aperçoit parfois une corde, celle qui tient en 1'air ce pendu crispé dans le spasme de son agonie. Tout autour, les couleurs sont assez vives, le bleu claque, le vert et le rouge luisent. Au centre, le corps est un magma de touches et de couleurs qui évoquent avec une efficacité très crue des entrailles et le pourrissement de la chair. Bruneau appelle ces ombres des " témoins " et son exposition, " états d'urgence ". Il considère que dans un monde de guerres civiles, un artiste doit prendre le risque de la peinture d'histoire, peinture renouvelée d'une histoire éternellement meurtrière. Parmi les toiles qu'il présente, il en est de remarquables par leur violence et leur sobriété.

Philippe Dagen, Le Monde, février 1995